Rencontre avec Clem & Gwen, boulangers à Clichy

Dans cet article

Interview Clem & Gwen, boulangers

Clément Carvalho et Gwendal Pecher, c'est deux amis partageant les mêmes valeurs, lancés sur les routes de l'entrepreneuriat. À Clichy, les deux associés ont lancé leur propre boulangerie, établissement dont la devanture bleue et les vitrines garnies détonnent sur le boulevard Jean-Jaurès. En ces lieux sont proposés des produits mettant en avant le savoir-faire de leurs créateurs tout en restant accessibles, ligne directrice du duo. Aussi bien attirés par l'histoire de leur ascension fulgurante que par l'odeur des croissants, nous sommes partis à leur rencontre...

La vidéo de notre rencontre est disponible ici !

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Clément : Je suis issu de la restauration, j'ai bossé dix ans en brasserie. D'où le côté vente de mon profil. Je travaillais à côté de la pâtisserie de Gwendal, chez Carl Marletti. C'est là qu'on s'est rencontré, qu'on a commencé à discuter et à sympathiser. C'est après qu'on s'ai dit "pourquoi pas faire quelque chose ensemble".

Gwendal : J'ai 31 ans, cela fait 16 ans que je fais de la pâtisserie. Directement, après la troisième, j'ai fait cinq ans d'apprentissage. Après j'ai fait que des belles maisons de Paris : j'ai été chez Stohrer, une des plus vieilles pâtisserie de Paris. J'ai été à la Tour d'Argent, plus vieux restaurant de Paris également. J'ai travaillé pour Carl Marletti, un des meilleurs pâtissiers de Paris aussi. J'ai été chef exécutif pour Philippe Conticini. C'est quelqu'un de très connu dans le monde de la pâtisserie. J'ai été également sous chef dans un restaurant deux étoiles. Donc j'ai eu une expérience assez étoffée dans le monde du luxe, de la pâtisserie et j'ai voulu mettre mon savoir faire au sein d'une boulangerie et de rendre des produits de bonne qualité, accessibles, de ne pas s'enflammer sur les prix, etc.

Qu'est-ce qui vous a plu chez l'autre ?

Gwendal : Je pense qu'on est un binôme complémentaire. Je suis sur la prod', donc gérer tout ce qui est la production. Clem c'est son côté vente, dix ans d'expérience dans la restauration. On s'est séparé le business en deux, Mais on a aussi deux caractères différents : il est plus calme que moi, je suis un peu plus impulsif, donc on se tempère tous les deux. C'est comme dans un couple, une association, c'est un couple.

Il paraît que tout à commencé au cours d'une soirée...

Gwendal : Autour d'une bière, le soir, entre potes : "Vas-y viens on monte une boulangerie, on y va !Ou un business même !"

Clément : Ouais, c'est le point qui nous a peu raccordé tous les deux.

Gwendal : On est entrepreneurs tous les deux, on a envie d'évoluer, de monter des business. Aujourd'hui, c'est une boulangerie, peut être que dans dix ans, on montera autre chose, je n'en sais rien. On a ce côté "entrepreneur", et je pense qu'il faut l'avoir pour avoir un business.

Clément : C'est le point commun qu'on a tous les deux.

Gwendal : On a la niaque, on a la niaque d'entreprendre !

Racontez-nous vos première galères ou démarches

Clément : La vraie galère, ça a été le Covid. On a attaqué la recherche de local début janvier, on a visité quelques trucs et on est tombé sur quelque chose qui nous plaisait bien. On a déposé un dossier. On attendait la réponse et là, confinement. Ça a tout stoppé. Sur le coup, on pensait qu'on avait loupé notre affaire, ça a été un peu dur. Mais à la sortie de confinement, on s'est remis à chercher et on a atterri à Clichy assez vite. Au final, on s'est dit que c'était pas une si mauvaise chose.

Gwendal : Après, le plus compliqué dans le business, entre l'idée et finaliser le projet, c'est déjà "qui appeler" ? Qui appeler pour trouver un fonds de commerce, un marchand de fonds, des moulins...Après une fois qu'on a appelé...Comment se positionner ? On est des jeunes et en tant que jeunes, il faut réussir à s'imposer face à un avocat, face à un banquier. C'est pas facile, c'est des choses où il faut prendre sur soi, être sûr de soi et de son projet, croire en son projet. Pour aller de l'avant, il ne faut pas être timide. Il faut y croire et si on y croit, les autres y croient, normalement. Ça n'a pas été simple d'avoir cette boulangerie. même niveau budget, on était "ric rac" comme beaucoup de jeunes, même si on est arrivés avec un bel apport. Mais c'était pas bon, c'était presque pas assez. On l'a presque loupé cette boulangerie, mais on a réussi à l'avoir !

Quelles sont les valeurs de Clem & Gwen ?

Clément : C'est faire du tout maison, faire de l'artisanal, offrir aux gens la qualité que Gwendal faisait avant quand il bossait chez Conticini, chez Marletti...C'est de travailler avec les mêmes produits, le même savoir-faire , mais à un prix différent.

Gwendal : Les rendre accessibles, et ça, c'est notre mot d'ordre. C'est l'accessibilité du produit, faire du bon, des bonnes choses avec des bonnes choses et à un prix raisonnable. C'est vraiment le mot d'ordre de notre boutique, et notre philosophie à tous les deux.

Clément : Donc que les gens viennent, se fassent plaisir, qu'ils reviennent plusieurs fois dans la semaine...

Gwendal : Après voilà, on est entrepreneurs, on n'est pas là non plus pour ne pas gagner d'argent. Comme tout le monde, on est entrepreneurs pour gagner de l'argent. Mais je trouve...on trouve qu'il y a un juste milieu à avoir. Dans notre boulangerie, on a un positionnement haut par rapport à une boulangerie classique qu'on va trouver au coin de la rue. En terme de prix, on est un peu plus haut. Mais aussi terme de services. parce que là, on fait le côté des boîtes. On a créé une marque, on a déposé une marque, on a créé un concept autour de ça, autour du bleu et du blanc : on n'a pas forcément l'impression de rentrer dans une boutique de quartier classique. Il y a tout un environnement et une atmosphère qui fait que c'est un peu plus chic.

Quels sont vos produits phares ?

Clément : Les produits phares de la boutique...le chausson aux pommes, le fameux chausson aux pommes : on a des clients qui traversent la ville pour venir. Ça, ça fait plaisir, ça fait chaud au cœur. Après, on peut dire le Paris-Brest, l'éclair chocolat...on a aussi une pavlova de saison. On fait tourner régulièrement les produits. Et puis après niveau pain, on a le pain complet, ça cartonne.

Gwendal : Tous nos pains, on les fait avec des farines bio, des farines en Label Rouge. On travaille le pain sur du levain naturel. On est vraiment sur un positionnement super cool, en fait super goûtu en bouche. Donc c'est vrai que sur le pain, on a de très très bons retours.

Clem & Gwen

Une journée type chez Clem & Gwen, c'est quoi ?

Gwendal : Donc du coup, une journée type chez Clem & Gwen, ça va être quoi ? Ça va être arrivé à 4 h du matin. Déjà..arrivée à 4 h du matin. Et là, on commence à préparer la boutique, parce qu'elle ouvre à 7 h. Après il y a tous les pâtissiers et les boulangers qui arrivent, on prépare notre journée. Hop, on envoie, on prépare tout : les gâteaux, les finitions...Après, une fois que la boutique est prête on commence la production. Je commence un peu la production avec mes équipes et ensuite vient le milieu de matinée. Je me libère un peu parce qu'il y a des papiers à faire, des recettes de la créa, aller à droite, à gauche...Surveillez aussi ce que font les uns et les autres, c'est ça aussi notre job. On n'est pas que chef pâtissier, on est chef d'entreprise aujourd'hui. On doit donc s'occuper de tout ce qui est papier. Mais ça, c'est plus la partie de Clément !

Clément : Et moi j'arrive un peu plus tard, vers huit heures. Un petit coup de main en boutique, voir si tout va bien. On dit "bonjour" à deux trois clients qu'on connaît bien, qu'on apprécie. Et après on enchaîne sur le service du midi. Ensuite, je monte faire ma partie "bureau"

Gwendal : La meilleure partie !

Clément : Après, on fini la journée en boutique, on file un petit coup de main pour les aider à fermer. Et après, on recommence.

Quel est l'impact de votre travail sur vos vies personnelles ?

Clément : C'est à dire que quand on rentre le soir...on déconnecte pas. On y est encore.

Gwendal : Même l'intensité de travail, les jours de travail. Au démarrage, pendant trois/quatre mois, on faisait 7/7 jours. Après, les équipes se sont agrandies et maintenant, on ne fait plus que 6/7 jours. Mais c'est quand même un travail de tous les instants. Là, le 24 décembre, on bosse...pendant que les autres "s'amusent", nous on bosse. Même si dans nos anciennes expériences, on travaillait aussi souvent les week-ends ou les soirs. Mais là, c'est différent, c'est pour nous, donc on se donne dix fois plus, ce qui est normal. Et il faut d'ailleurs ! Il le faut pour réussir ! Même si j'ai un petit garçon...le samedi et le dimanche....lui il est en week end. Moi non. Mais c'est la vie et c'est travailler beaucoup aujourd'hui pour peut-être moins travailler demain. Et il faut se donner à fond maintenant.

Avez-vous eu des moments de doute ou des envies d'abandon ?

Gwendal : Quand on a ouvert, avec le Covid, on s'est dit "on est un commerce de proximité, un commerce de bouche. C'est la boulangerie, c'est top. C'est sûr que ça va marcher." Mais on s'est dit aussi dit "est ce qu'on va être confinés, pas confinés ? Si on a un cas de Covid au sein de l'équipe, on est obligés de fermer la boîte, comment on fait ?"

Trouvez-vous difficile de gérer des collaborateurs ?

Clément : Ouais, c'est vrai que c'est difficile, surtout de trouver les bonnes personnes. C'est vrai qu'on est assez exigeants, parce qu'on veut des gens qui ont un peu le même état d'esprit que nous, qui aiment leur travail. On passe beaucoup de temps ici ! On veut être entouré de gens qui sont contents d'être là. Quand tu es content et que tu travailles dans une bonne ambiance, tu fais du bon travail.

Gwendal : On veut qu'il y ai une bonne émulsion au sein de l'entreprise. Des gens motivés et dynamiques, comme on est : motivés, dynamiques. Après, de gérer du personnel, c'est des choses que Clément avait déjà fait par son expérience passée. Moi, c'est pareil. J'étais chef pâtissier, j'avais 21 ans, donc j'avais des gars qui avaient 30, 35 ans déjà à l'époque. Donc pour gérer des gens en grand nombre, plus ou moins âgés, ça se fait, c'est une habitude qui a été prise. Donc gérer une équipe aujourd'hui, même en étant chef d'entreprise, ça ne va pas trop changer. Ce qui a de plus maintenant, c'est de se dire "si cet employé, là c'est la vraie galère".

Le site et le click & collect étaient-ils prévus au début ?

Gwendal : Nous au démarrage, on ne voulait pas faire de réseaux sociaux, on ne voulait pas avoir d'internet...alors qu'on sait que aujourd'hui, pour la pâtisserie, c'est "obligatoire". C'était pas prévu, mais au final, par la force des choses, on l'a fait. On s'est dit "viens on se met sur les réseaux", on a pris une photographe pour faire nos photos...Après on s'est dit "ah bah tiens, il y a l'émission".(ndlr : Le meilleur pâtissier professionnel), donc on va faire un site internet comme ça, le plus grand nombre peut aller sur le site. Pour le click and collect, Clém était à fond pour cette idée. Ça va plus vite, même en boutique. On achète à la maison, dans le canapé, on vient retirer . Il y a donc moins de queue. On s'est vraiment poser la question du site pour réduire la prise de commandes en boutique et pour faciliter l'accès des clients à la boutique. On sait qu'on a de la perdition, parce qu'il y a trop de queue. C'est un bien pour un mal...On s'est dit qu'on va réduire ça en faisant un click & collect.

Et les réseaux sociaux ?

Gwendal : On est partagés là-dessus.

Clément : Ni lui ni moi on est "dedans". Ce n'est pas notre truc...

Gwendal : On a parce que aujourd'hui, il faut avoir.

Clément : On a rencontré Cassandre, une habitante de Clichy qui nous fait ça, les photos et vidéos, et gère les réseaux en même temps. Ça a son a son petit plus quand même.

Gwendal : C'est en termes d'image, on repost les stories des clients et ils sont super contents. C'est cool !

Clément : Il y a pas mal de gens qui nous suivent là-dessus aussi...dès qu'il y a une nouveauté, on met quelque chose sur les réseaux.

Gwendal : Il y a un vrai impact à bien gérer les réseaux.

Comment voyez-vous l'avenir du métier de boulanger ?

Gwendal : Oh le métier de boulanger, c'est un métier traditionnel et qui aujourd'hui change de cap. Il se modernise énormément. Parce qu'en vrai, on ne va pas se le cacher : l'image du boulanger n'est pas sexy...pour tout le monde, c'est vraiment pas sexy. Aujourd'hui, on arrive à faire des choses beaucoup plus jolies. On va arriver sur des pains au chocolat avec des rayures, on va arriver sur des brioches en forme de fleurs. On arrive vraiment sur des choses qui sont plus modernes. À l'oeil, c'est déjà plus joli. Même le boulanger en lui même, il veut faire des choses plus fines, plus raffinées. On est plus sur de la baguette blanche...À l'époque, il y a des années, c'était : on prenait des mix et on mettait juste de l'eau. Ça se mélangeait. Maintenant, on revient aux vraies valeurs de la boulangerie. On travaille sur des farines bio, on travaille sur levain...on fait différents pains, du pain bicolore, du pain au curry, on fait un pain à l'aneth... On change vraiment, on se modernise et on "cuisine" un peu le pain.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?

Clément : Lancez vous !

Gwendal : Un conseil pour les futurs entrepreneurs, c'est déjà d'avoir la tête sur les épaules et d'avoir déjà un certain apport. Sans argent, on peut vraiment faire rien du tout. C'est compliqué ...on peut demander des aides à la région etc...ça se fait. Là nous on a eu des ruptures conventionnelles et c'est vrai que ça, ça a beaucoup pesé dans le business plan. Sans cela, notre projet n'était pas viable.Donc je pense que si on peut réussir à l'avoir de la part de son employeur, ça peut être intéressant. Après, c'est de croire en son projet. Si on s'associe, c'est vraiment choisir le bon associé. L'associé...homme, femmes, deux, trois, quatre, cinq ou six personnes, peu importe. Mais c'est de choisir les bonnes personnes,

Clément : C'est la base. C'est qu'il fait que dans les moments difficiles, tu as quelqu'un sur qui t'appuyer, quelqu'un qui fait avancer. C'est la base du truc. Tu trouves quelqu'un avec qui tu es vraiment complémentaire et tu peux faire plein de choses. C'est vraiment ça le secret.

Gwendal : C'est l'ingrédient de l'association. Parce que vraiment tout le monde dit "l'association, non, fait jamais ça." Alors je suis content et je suis content de l'avoir fait. Je pense que tout seul, je serais pas là où on en est aujourd'hui. Mais de croire en son projet, c'est super important de croire en ce qu'on veut faire. Et il ne faut pas s'arrêter, car on va rencontrer des obstacles. Nous ça a été plein, comme des autorisations de devantures qu'on n'a pas eu. Tant pis, on avance, on n'a pas, on avance quand même. "On fait, on fait pas", chacun prend les risque qu'il veut. Nous, on a fait ! Il faut avancer, sinon le projet ne se fait pas...

Quel avenir voyez-vous pour Clem & Gwen ?

Clément : Une deuxième boutique, dans le même secteur. On cherche par ici en tout cas. On veut rester à côté, garder la main.

Gwendal : C'était notre business model de toute façon. On a démarré avec une, on a déposé une marque auprès de l'INPI. Du coup, on veut développer deux, trois, max quatre boutiques. Après, il y en a d'autres qui veulent se franchiser : aller à 15 ou 20 boutiques, ça, c'est pas notre envie. Comme dit Clem, l'objectif c'est de vraiment "garder la main", d'être à côté, de garder ce côté artisanal. Et c'est ce qui est super important pour nous. C'est nos valeurs, c'est ce qu'on défend. Donc on veut rester dans un secteur proche.

Devanture Clem & Gwen

Vous vous attendiez à un tel succès ?

Gwendal : C'est vrai, qu'avec Clem, on a une croissance de fou...Au tout début, avant qu'on ouvre, on se disait qu'on sera quatre, cinq, peut être six. Aujourd'hui, on est dix-huit. Même nos employés en rigolent. On se rend pas compte, mais c'est complètement fou. L'ancien propriétaire savait pas qu'on pouvait faire autant de chiffre d'affaires ou sortir autant de produits.

Clément : J'ai une vendeuse qui était absente pendant un mois. Elle est revenue il y a deux jours en disant : "j'ai l'impression que plein de trucs ont changé".

Gwendal : Ça va trop vite. Même pour nos familles, qui étaient là au démarrage. Quand on a récupéré La boulangerie, c'est nos familles, mon père, ma mère, mon oncle, ma tante, mon frère, sa famille, des potes...On était là, on nettoyait, on faisait des trucs. Un projet quoi. Même encore aujourd’hui, j'ai ma cousine qui vient nous donner un coup de main de temps en temps. Comme on croyait en notre projet, les gens croyaient en nous.même encore aujourd'hui. Et c'est vraiment important d'être entourés, que les gens croient en vous...ça aide aussi à franchir des étapes, à franchir des caps.

Merci beaucoup à Clem & Gwen pour leur accueil. Retrouvez-les sur leur site internet et sur Instagram !

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